Le Baron Adolphe de Furstenberg

 
 

"Le baron Adolphe de Furstenberg est décédé à la clinique Marie-Médiatrice à Gand, où il était en traitement depuis quelques semaines. Après avoir été bourgmestre de Tavier, le regretté défunt fut nommé en 1926 bourgmestre de Rémersdael, où il succédait à son père et où il avait acquis une réelle popularité grâce à son affabilité, son dévouement à la chose publique et à ses administrés, auxquels il rendit de grands services grâce à son autorité, à sa compétence et à sa bienveillance. Pendant la deuxième guerre notamment, il se dépensa sans compter en faveur des patriotes, surtout des prisonniers politiques dont il parvint à arracher un bon nombre aux griffes de l'occupant."
"Le Courrier du Soir" du 5 juin 1950 (archives de M. Thirifays à la S.H.A.V.).

Joseph Leenaerts (colonel hre d’artillerie, ancien attaché militaire à Vienne, Berne et Budapest, né le 7 avril 1917 à Rémersdael) raconte l’anecdote suivante dans son livre « Dans les arcanes des services secrets ») :
Nous avions le privilège d’avoir dans notre village un bourgmestre exceptionnel, le baron Adolphe de Furstenberg. Je le rencontrais deux ou trois fois par mois.
Descendant d’une famille issue de la haute noblesse allemande, il avait voyagé dans le monde entier.
Il avait fréquenté des grands de la politique et en l’occurrence connaissait aussi bien Winston Churchill que le général von Falkenhausen, gouverneur militaire de la Belgique occupée. Il se souvenait parfaitement de ses rencontres avec l’homme d’état britannique. C’était à Alexandrie où il faisait escale après un long séjour au Kenya.
Je fus bouleversé quand, l’entretenant d’un discours prononcé par Churchill à la radio, il m’interrompit en me disant : Churchill n’est pas un gentleman ».
Interloqué, j’attends un mot d’explication.
Il est assis dans un fauteuil Voltaire de merisier, placé à droite d’un feu ouvert que j’alimente régulièrement en bûches de hêtre bien sèches. Je les retire d’un large panier d’osier à bord torsadé. Le jardinier du château d’Obsinnig les débitait dans une remise servant autrefois d’écurie de belle structure.
Fumant une longue pipe, au fourneau en porcelaine savamment culotté, le baron me dit d’une voix autoritaire : « J’ai bien connu Churchill. Je l’ai rencontré en Egypte. Un jour nous jouions à la même table de jeu ; c’était à Alexandrie. J’ai surpris Churchill à tricher… et il a refusé de présenter ses excuses.
Il n’est pas un gentleman. Nous n’en parlerons plus. »
Par ailleurs, le baron connaissait le général von Falkenhausen. A plusieurs reprises il fut reçu par lui à Bruxelles où il se rendait en voiture, une américaine, conduite par son chauffeur. Il partait plaider en faveur de malheureux, victimes de la répression de l’occupant… et ses interventions furent parfois couronnées de succès.
Grâce aussi à l’intervention du baron, qui se laissait facilement convaincre par une argumentation sérieuse, la population du village n’eut guère à souffrir, ni de la faim, ni du froid.

Le commissaire d'arrondissement de Verviers, M. Bissot, a abordé le passé rexiste du Baron et surtout son action pendant la guerre dans l'hommage qu'il a prononcé aux obsèques du Baron Adolphe de Furstenberg en 1950:

J'ai gardé très vif le souvenir de la première visite que me fit M. de Furstenberg, c'était en février 1941. Je venais d'arriver de Bastogne à Verviers, on s'installait alors dans l'occupation. «M. le Commissaire, me dit-il, vous savez que j'ai été de ceux qui voyaient en M. Degrelle le sauveur du pays. Il y a quelques semaines, ce Monsieur a prononcé un discours qu'il a terminé au cri de «Heil Hitler». Pour moi, dès ce moment, il a cessé d'être Belge et je tiens, M. le Commissaire, à ce que vous sachiez que je ne veux plus rien avoir de commun avec lui.»

Cette parole, donnée par le Bourgmestre déjà chargé d'ans au jeune fonctionnaire qui à ce moment pour lui représentait le Roi, vous savez qu'elle a été tenue irréprochablement. M. de Furstenberg a été pendant toute la guerre un Bourgmestre belge dans toute l'acception du terme, ne songeant qu'à mettre au service de ses administrés le crédit que lui ménageait dans certains milieux du Gouvernement Général, son appartenance à un de ces hauts lignages qui jadis ne connaissaient pas de frontières et qui a donné des Princes-Evêques à Liège et à Strasbourg, des hommes de guerre et des diplomates de l'Empire.

Ce crédit, les événements de guerre allaient bientôt lui donner l'occasion de l'utiliser largement; le développement de la Résistance d’une part et la répression de l'autre, amenaient de nombreux patriotes devant les tribunaux militaires et la perspective du poteau d'exécution devenait pour eux de plus en plus menaçante. M. de Furstenberg mit toute son influence au service des familles qui s'efforçaient désespérément de sauver ces vies chères menacées. Fréquemment sollicité, il n'épargna aucune démarche et ce crédit qu'il possédait, il l'utilisa jusqu'à l'épuisement, car s'il parvint à sauver de l'exécution le Docteur Dubois de Dison et son épouse, il ne réussit plus malgré ses lettres et ses démarches personnelles à Bruxelles à y faire échapper d'autres patriotes notamment certains patriotes Rechaintois trop engagés dans les liens d'une association qualifiée subversive.

Et lorsque, le Roi déporté, Falkenhausen écarté, la Belgique tomba sous la griffe du sinistre Gauleiter Grohé, il ne me cacha pas que ce changement de régime— dont grâce à Dieu et à la rapidité de l'avance alliée nous n'eûmes pas le temps de ressentir les effets — mettait fin pour toujours à ses interventions dans ce domaine.

Il ne se lassa pas, par contre, d'agir par tous les moyens pour amener les fonctionnaires supérieurs du Ravitaillement à mieux tenir compte dans leur réglementation de la situation particulière de nos régions herbagères, n'hésitant pas à aller faire des représentations à M. De Winter lui-même.

(Journal d'Aubel du 11/6/1950)

Page mise à jour le 18.01.2017

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