La descendance illustre d'un maïeur de Rémersdael |
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Il n’est probablement pas un seul parmi les habitants de Rémersdael qui sache que dans la descendance d’un de leurs concitoyens se rencontre entre autres, à côté d'une lignée d'industriels liégeois, une famille de peintres et de sculpteurs, qui sont les représentants les plus célèbres de l'art contemporain allemand et qui ont leur notice biographique dans tous les dictionnaires encyclopédiques. L'ascendant le plus ancien de ce lignage que mentionne l'histoire de notre région est Etienne Begas, qui exploitait à la fin du XVIIe siècle et au début du siècle suivant, la ferme dite jadis "Cour de Clermont" et dénommée aujourd'hui Welschhof. Elle appartenait alors à la famille de Mérode, qui détenait la seigneurie de Clermont, et constituait un grand fief, relevant de la cour féodale de Fauquemont. Ce dernier avait lui-même une cour de justice foncière, dont Etienne Begas était le maïeur. C'est en cette qualité qu'il fit le relief du fief à Fauquemont, le 11 avril 1701, pour la comtesse Catherine-Charlotte de Mérode, douairière du marquis Eugène‑François de Trazegnies, qui le possédait. Comme la plupart des lignages bourgeois, la famille Begas avait ses armoiries : taillé : en chef d’argent, à trois coquilles de sable; en pointe barré d'argent et d'azur de six pièces. Son berceau se rencontre à Charneux, où naquit le 22 janvier 1603, le père d'Étienne Begas et où vécurent son grand-père et son arrière-grand-père, tous trois prénommés Denis. Leur patronyme, tiré d'un nom d'oiseau comme le cas est assez fréquent, s'est écrit lit cours des temps tantôt Begasse, tantôt Begas et c’est sous cette dernière forme qu'il a été porté au siècle dernier par les grands artistes allemands qui l’ont illustré. Etienne Begas était né à Henri-Chapelle le 28 août 1657. Il avait épousé le 30 novembre 1679 Cornélie Nicolaï d'Aubel, sœur de Gérard, licencié en droit de l'université de Louvain, avocat du Souverain Conseil de Brabant, conseiller receveur des États de Dalhem, maïeur d'Aubel. De leur union naquirent neuf enfants. Le cadet, Jean-Guillaume vit le jour à Rémersdael le 1er mai 1698. Il entra dans l'ordre des prémontrés à l'abbaye de Steinfeld, près de Schleiden, maison mère du prieuré de Reichenstein‑lez‑Montjoie, et il prit le nom de Lohelin Il remplissait en 1732 les fonctions de curé à Blankenheim et, en 1736, il était lecteur à l’université de Cologne. En 1741, il occupait la charge de proviseur du noviciat installé dans l'ancien couvent des cisterciennes de Dunnwald, au nord‑est de Cologne, ainsi que du séminaire norbertin de cette ville. Il est dépeint comme un homme d'une haute formation intellectuelle et d'une extrême bienveillance vis-à-vis de chacun. Jean Lohelin Begasse fut appelé en 1744 à diriger le monastère de Steinfeld, dont il fut le 40e abbé mitré. Son sacre eut lieu le 13 octobre par l'évêque suffragant Gaspar de Cologne, assisté du vicaire général Jean-Arnold de Reux, en présence du comte Clément de Manderscheid‑Blankenheim. Les abbés de Steinfeld étaient archidiacres de Schleiden et de Reifferscheid, seigneurs de Marmagen, Wehr, Wahlen, Urft et Wildenburg, localités voisines du monastère. Ils remplissaient la charge de visiteurs et réformateurs de toutes les maisons de la province de Westphalie et étaient vicaires généraux perpétuels de l'abbé général de l'ordre Jean Lohelin Begasse modifia les armoiries de l'abbaye, qui offrent un cœur transpercé de deux flèches en croix, en y introduisant les trois coquilles de son blason personnel ou en les chargeant en abîme de ce dernier. L'abbé Begasse mourut le 27 mai 1750 et fut inhumé dans la crypte sépulcrale. Sur une plaque en marbre noir, encastrée dans le mur de l'église, à côté de l'entrée du caveau et mentionnant les noms des abbés qui y reposent, on peut encore lire aujourd'hui l'inscription : Joes. Lohel. Begasse, Vic. Gen. Prov. Obiit 1750, 27 May. Le frère aîné, Lambert Begasse, né à Aubel le 19 septembre 1683, fit des études de médecine et alla s'établir à Heinsberg, au nord d'Aix-la-Chapelle. Il eut un fils, Antoine, qui fut grand bailli de Schleiden. Au nombre des enfants de ce dernier se rencontrent : Lambert, chanoine puis doyen de la collégiale de Heinsberg, Louis, auteur de la branche liégeoise, et François, auteur de la branche allemande. Louis Begasse, né à Schleiden le 22 mars 1756, épousa à Malmedy le 18 décembre 1785 Hélène de Dhaem, fille de Nicolas de Dhaem, conseiller du prince abbé de Stavelot, Malmedy. Après avoir été, comme son père, grand bailli de Schleiden, il devint maire de la ville sous le régime français. En 1810, il reçut des félicitations du préfet du département de l'Ourthe, dont le canton de Schleiden faisait partie, pour la façon dont il avait célébré «l'époque mémorable du mariage de S.M. l'Empereur en faisant exécuter une très belle plantation ». Celle-ci comprenait 222 arbres, dont 130 hêtres, 2 chênes, 12 tilleuls, 20 mélèzes et 58 sapins, ayant chacun leurs tuteurs. L'ensemble entouré d'une forte barrière pour le protéger des bestiaux, se trouvait sur un terrain communal, qui reçut le nom de « Place Napoléon ». Deux des fils de Louis Bégasse, Joseph et Charles vinrent se fixer à Liège, où ils créèrent une manufacture textile, encore florissante de nos jours. Le second, né à Schleiden le 12 novembre 1797 et décédé à Liège le 19 mars 1887, fut naturalisé belge le 4 mars 1844; il acquit plusieurs fermes dans les communes de Clermont et de Thimister. Son fils Joseph , né à Liège le 19 mars 1843, y décédé le 16 octobre 1924, consul d'Autriche-Hongrie, obtint le 15 juin 1899 concession de noblesse. Dans sa descendance. qui a été autorisée le 16 janvier 1928 à ajouter à son nom celui de Dhaem, se trouvent plusieurs alliances avec des familles liégeoises des plus notables. Sa fille, Marie Bégasse, a notamment épousé l'industriel Paul Borgnet, le fondateur des usines Phenix Works. François Bégasse, l'auteur de la branche allemande, né à Schleiden le 7 décembre 1764, était licencié en droit. Il remplit la charge de vice‑bailli de Geilenkirchen et devint vice‑président en 1801 du tribunal criminel, puis en 1813 du tribunal de première instance de Cologne. Il continua à exercer des fonctions judiciaires après le changement de régime. Son fils aîné, Charles Bégasse, fut baptisé le 30 septembre 1794 à Heinsberg, où sa mère s'était réfugiée, à l'approche des Français, chez son beau-frère, le chanoine Lambert Begasse. Ce jour-là, les troupes républicaines bombardaient la ville et, au moment du baptême, un boulet tomba par la cheminée dans la maison où se trouvait l'accouchée. Charles manifesta de bonne heure des dispositions pour la peinture et, à l'âge de quatorze ans, il s'initia à cet art chez un peintre de Bonn. En 1813, il alla à Paris se placer sous la direction du célèbre artiste Gros. Lors de l'entrée des Alliés, il faisait au Louvre une copie du tableau de Raphaël, qui attira l'attention du roi de Prusse. Celui-ci s'en rendit acquéreur et il octroya au jeune peintre une pension de trois ans pour lui permettre de continuer ses études dans la capitale française. Ce fut le point de départ de sa renommée et ses oeuvres suscitèrent bientôt à Berlin une vive admiration. Il voyagea ensuite en Allemagne et, s'affranchissant des conventions académiques, se créa un style original. En 1822, une subvention du gouvernement lui permit de faire un séjour en Italie, où il étudia les grands maîtres, composa des tableaux historiques et peignit des portraits. De retour à Berlin en 1824, Charles Begas (il avait adopté cette orthographe de soit nom) épousa Mina Bock, dont il fixa l'éclatante beauté dans sa toile célèbre « La Lorelei ». Il se révéla alors un portraitiste de grand talent et il reproduisit les traits de plusieurs hautes personnalités scientifiques et artistiques. Il fut le peintre de la cour, membre de l'Académie des beaux-arts de Berlin et il exécuta pour le gouvernement un grand nombre de peintures à l'huile et à fresque. Alors que son épouse appartenait à la confession évangélique, Charles Begas resta toute sa vie fidèle à la foi de ses pères, dont il témoigna par la longue série de ses tableaux religieux. Il décéda à Berlin le 23 novembre 1854. Quatre des fils de Charles Begas embrassèrent la carrière artistique. L'aîné, Oscar (1828‑1883) brossait dès l'âge de douze ans des tableaux d'une valeur incontestable. Ayant remporté en 1852 un premier prix avec une bourse de voyage, il alla visiter l'Italie, l'Angleterre et la France. Il se distingua surtout dans la peinture historique et le portrait. Un de ses meilleurs, celui du peintre Pierre de Cornelius, figure au musée royal d'Anvers. Reinhold (1831‑1911), le plus illustre de cette famille célèbre, fut le sculpteur favori de Guillaume II. Élève de l'Académie de Berlin, il produisit à vingt ans son premier grand ouvrage. En 1856, il gagna le prix de cette institution et il alla séjourner deux ans à Rome, où il étudia les oeuvres de Michel-Ange. Il s'adonna de préférence à la sculpture historique et monumentale, donnant toute sa mesure dans les ensembles de dimensions colossales que l'Allemagne consacrait à sa gloire. Il était l'auteur de la statue équestre de Guillaume Ier érigée à Strasbourg, qui fut détruite en 1918 par les Alsaciens, avant l'entrée victorieuse des troupes françaises. Une de ses oeuvres lui valut un grand prix à l'exposition universelle de 1900 à Paris. Le musée royal des beaux-arts de Bruxelles possède une statue et un groupe de cet artiste, qui ont été acquis par l'État. Adalbert (1836‑1888) étudia d'abord la gravure à Berlin et à Paris. En 1859, il abandonna le burin pour le pinceau et travailla sans maître jusqu’en 1862. Il entra ensuite dans un atelier à Weimar et compléta son instruction par un voyage en Italie. Au cours d'un second séjour dans la péninsule, il résida à Venise, où il recueillit des impressions qui inspirèrent ses tableaux de la vie italienne, des canaux, des types et des édifices vénitiens. Il fit aussi de nombreuses copies des grands maîtres anciens et, dans ses dernières années, se consacra spécialement au portrait. Charles (1845‑1916), dit «le Jeune » pour le distinguer de son père, surnommé « l'Ancien », s'initia à la sculpture à l'Académie de Berlin et dans l'atelier de son frère Reinhold, puis il alla se perfectionner en Italie. C'est là qu'il exécuta le groupe en marbre qui figura à l'exposition universelle de 1878 à Paris. Il se révéla un statuaire de talent, sans toutefois égaler son frère et il exécuta des ouvrages importants pour plusieurs grandes villes allemandes, notamment des figures décoratives pour les ponts de Berlin. À l'heure où Rémersdael jette un regard en arrière, il convenait de faire connaître à ses habitants la descendance d'un de leurs ancêtres qui a donné, d'une part, ce lignage d'industriels liégeois de grande notoriété et, d'autre part, cette famille d'artistes, dont la célébrité a porté au loin le nom de l'ancien maïeur de la localité. G. Grondal. |
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