"La célébration du 100ème anniversaire" - un reportage de Pierre STEPHANY
Pierre Stéphany (né à Chaineux en 1925, journaliste depuis 1945) était encore un jeune journaliste à l'époque. Depuis, il est connu comme auteur d'ouvrages sur l'histoire contemporaine et comme collaborateur à Paris-Match. Il fut aussi, jusqu'en 1991, responsable des rubriques consacrées à la radio et à la télévision à "La Libre Belgique". Mais le 2 aout 1953 il était à Rémersdael, comme envoyé spécial.
La population de Rémersdael (440 habitants) a fêté 100 ans de liberté communale et de prospérité.
Rémersdael, 2 août - J'écris ces lignes sur une des tables de fer qui, à Rémersdael, meublent la terrasse du café Lousberg, dont le patron, aujourd'hui défunt, pourchassa jadis à travers le village le fameux Grammens venu y faire son équivoque propagande.
Un tel souvenir n'est pas déplacé dans un jour comme celui-ci, où s'illustrent les victoires d'un passé fécond et les promesses d'un avenir chargé d'autant de menaces que d'espoir.
Les derniers flons-flons du cortège s'éteignent dans la tiédeur de ce bel après-midi finissant. Tout à l'heure on dansera sur la guinguette dressée sous les pommiers d'une de ces prairies qui serrent de près les maisons du hameau et qui se ressemblent toutes dans leur calme champêtre et leur reposante fraicheur.
L'urgence des travaux de la ferme, qui ne connaissent pas, eux, de congé dominical, le moment d'aller "faire l'ouvrage", comme on dit au Pays de Herve, ont vidé la route asphaltée qui sert de place publique. Il ne reste plus ici que quelques citadins désoeuvrés, une poignée d'invités qui prendront tout à l'heure le chemin du retour, et, dans la salle fraiche du café Lousberg, une douzaine de consommateurs attardés boivent de la bière en racontant des anecdotes. Je les entends, derrière mon dos, s'esclaffer bruyamment et faire résonner du pied de leurs verres le marbre du comptoir.
L'air sent bon le foin coupé, le soleil et la bonne humeur. Pour cette journée comme il n'y en a qu'une par siècle, Rémersdael a mobilisé tout son potentiel populaire, administratif, folklorique et sentimental : sa société de tir St-Héribert, son harmonie Ste-Geneviève, son association d'anciens combattants, son club sportif et ses 440 habitants.
La journée qui s'achève a tenu à la fois de la procession annuelle, de la manifestation patriotique, de la journée des communions solennelles, de la kermesse et de la distribution des prix : les arcs de triomphe, les oriflammes battant au vent, le nasillement du carrousel, le soleil intermittent, les vêtements du dimanche, les lourdes bannières triangulaires, les gendarmes en tenue numéro un, le garde-champêtre réglant la circulation, le "Roi du Tir" surchargé de ses médailles et les membres du Conseil de Fabrique en habit, cigare et haut de forme.
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Le groupe des acolytes avec le vicaire d'Aubel CRIJNS, Pol BOUR d'Aubel, Jules HALLEUX, Alphonse HANSSEN d'Aubel, et à l'avant : Joseph HALLEUX, Joseph ONOCH, Victor RENKENS, Léonard ERNST et Joseph DROOGHAAG.
Tout commença ce matin par l'arrivée de Mgr Kerkhofs, évêque de Liège, accueilli au presbytère, puis conduit en cortège et escorté par les sociétés locales jusqu'à l'église, où M. le curé Schevers chanta la grand'messe, assisté de MM. les curés de Teuven et de Hombourg, cependant que la chorale de l'endroit était au jubé. Mgr de Furstenberg, enfant de Rémersdael et nonce apostolique au Japon, était là lui aussi.
La sortie de l'office fut marquée par les allocutions de M. le bourgmestre Hollands, qui souhaita la bienvenue à Mgr Kerkhofs et par la réponse de l'évêque.
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Passons sur le déjeuner qui réunit ensuite les notabilités chez le bourgmestre et qui, se prolongeant, fit démarrer avec une bonne heure de retard le cortège de l'après-midi.
Ce cortège, que l'harmonie Ste-Cécile, de Gemmenich, et les Echos de la Berwinne, d'Aubel, étaient venus renforcer, n'eut que trois enjambées à faire pour traverser le village et, après avoir au passage déposé des fleurs à la pelouse d'honneur du cimetière, pour gagner la prairie où la tribune officielle dressait ses mats et ses banderoles.
Quelques unes des personnalités présentes. De gauche à droite à l'entrée du cimetière : M. Discry, M. Bissot, Mgr de Furstenberg, M. Hollands et le doyen Kinet d'Aubel, ainsi que Egide Dederix en tête du cortège.
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Entre temps, de nombreuses personnalités avaient rallié le vallon verdoyant où Rémersdael abrite ses destinées paisibles et ses 100 ans de liberté municipale : M. Bissot, commissaire d'arrondissement ; M. Discry, député ; le R. P. Alberic, Rme Abbé du Couvent du Val-Dieu ; M. l'abbé Kinet, doyen d'Aubel ; MM. les curés de Teuven, Hombourg, Sippenaeken et Fouron-Saint-Martin ; le major de réserve Bonjean, ancien commandant des Garde-Frontière de Hombourg ; M. Guillaume Grondal, à qui le livre qu'il a écrit sur Rémersdael confère ici une célébrité impressionnante et d'ailleurs largement méritée ; M. Loop, brigadier-champêtre ; M. Cornet, receveur régional ; M. Grandry, directeur de la société d'électricité Voer-Gulpe ; le baron Charles de Furstenberg ; M. Kevers, secrétaire communal honoraire ; M. Leenaerts, ancien instituteur en chef ; M. Lebeau, notaire à Aubel ; M. Guy Poswick, juge de paix à Limbourg ; M. le notaire Meunier, président du Cercle Verviétois d'Archéologie et d'Histoire, etc.
L'autonomie de Rémersdael est née en réalité du combat mené par cette commune pour se libérer que l'autorité de Hombourg faisait peser sur elle. Hombourg n'en a pas gardé rancune à sa jeune voisine : elle a prouvé hier sa bonne volonté en envoyant à Rémersdael son bourgmestre, qui marchait dans le cortège aux côtés des dirigeants des autres communes environnantes : Aubel, Teuven, etc... Aux côtés également des autorités locales, vivant aujourd'hui le plus beau jour de leur mandat et rayonnant d'une joie communicative : M. Hollands, bourgmestre ; MM. Frisschen et Joseph [1] Franssen, échevins ; MM. Gilles Straetmans, J. Maréchal, L. Flas et Ch. Linkens, conseillers communaux ; M. Philippe Pinckers, secrétaire communal ; M. J. Rompen, président du Conseil de Fabrique ; M. Jules Franssen, garde-champêtre ; M. A. Fassotte, président des Anciens Combattants.
Enfin, il y avait les membres du "Comité du Centenaire", qui s'est constitué sous les auspices de l'Administration communale, a recruté ses membres parmi toutes les sociétés locales et a travaillé dans le plus sympathique esprit de camaraderie et de compréhension.
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Dans la mare linguistique brouillée ces derniers temps par des décisions où l'arbitraire tient généralement plus de place que le bon sens et où les aspirations du citoyens ont moins de poids que les fantaisies de l'administration, cette fête populaire va peut-être tomber comme un pavé bienfaisant.
Les orateurs, sauf M. le notaire Meunier (qui lui réserva une intervention énergique) se gardèrent de faire allusion à ce problème qui met en jeu les données essentielles de la situation des communes établies sur la "frange linguistique". On le sentait cependant sous-jacent dans les préoccupations de tous, et présent, sinon dans les discours, du moins dans les conversations particulières qui se nouaient parallèlement à la manifestation officielle.
En fait de discours (dits, pour la plupart, dans les deux langues), on entendit ceux de M. le bourgmestre Hollands, de M. L. Cravatte, instituteur en chef, qui se fit, ainsi que M. Kevers, l'interprête du comité organisateur, de M. Bissot, commissaire d'arrondissement, et de M. le notaire Meunier.
Deux noms revinrent surtout dans ces allocutions : celui de la famille de Furstenberg, qui a été mêlée à la naissance et au développement de Rémersdael, et celui de M. Guillaume Grondal, à qui revient le mérite d'avoir mis concrètement sur papier un passé riche et significatif.
Au total, les orateurs se réjouissent des sentiments que ce centenaire exalte et firent des voeux pour la prospérité, la concorde et la paix du Rémersdael futur.
Et l'explosion des "campes" qui ponctuèrent ces paroles réveilla les échos de la vallée et, à six kilomètres à la ronde, sema la frayeur parmi les vaches somnolant dans les prairies.
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L'après-midi comprenait aussi une remise de distinctions honorifiques à des anciens combattants. C'est le major Bonjean qui procéda à cette opération, comportant l'attribution des décorations suivantes :
A titre poshume :
La médaille de la Libération de la ville de Liège, la Croix du Lion belge, la médaille de l'Amicale Zéro, la médaille Commémorative 40-45, la Croix de Guerre 40-45 avec Palme et la Croix de Chevalier de Léopold II avec Palme, à
Halleux Julien.
Julien Halleux à une procession à Rémersdael le 28 avril 1940. Le RP Etienne MUHREN, père de Val Dieu, visible au milieu sera lui aussi une victime des allemands, car il sera fusillé à Utrecht le 9 octobre 1943. Qui peut identifier les autres personnes du groupe ?
Madame Germaine Mager, Veuve Halleux, recevant les décorations à titre posthume de son mari.
La Croix de Guerre 40-45 avec Palme et la Croix de Chevalier de Léopold II avec Palme, à Straetmans Joseph.
Le groupe des combattants : à l'avant : Joseph Levaux, Hubert Pelzer, ?, Gilles Straetmans, Germaine Halleux-Mager, Henri Halleux, Hubert Heuts, Joseph Straetmans. à l'arrière : Albert Wyzen, Léonard Boyens, Adolphe Drooghaag (roy du tir), Fernand Lausberg, Marcel Beckers, Alphonse Renkens, Albert Jungbluth, ? , Aloys Kerren, Edmond Roemans, Armand Beckers.
A des membres actuels de la section :
La médaille Commémorative 40-45 à MM. Beckers Armand, Beckers Marcel, Drooghaag Adolphe, Halleux Henri, Heuts Hubert [ 2], Jungbluth Albert, Kerren Aloys, Lausberg Fernand, Lausberg Joseph, Levaux Joseph, Pelzer Hubert,Renkens Alphonse, Roemans Edmond, Straetmans Joseph, Wyzen Albert.
La médaille de Prisonnier de Guerre 40-45 à MM. Halleux Henri, Heuts Hubert, Kerren Aloys, Lausberg Fernand, Pelzer Hubert, Straetmans Jospeh.
La "Brabançonne" clôtura la cérémonie.
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Ceci se passait il y a une heure. Maintenant, l'Harmonie Ste-Cécile et les Echos de la Berwinne donnent un concert dans la prairie de la fête, et dans les fermes à dix kilomètres alentour il y a des garçons et des filles qui se pressent fiévreusement pour le bal.
Et la nuit va tomber sur les choses paisibles et les paysages tranquilles de cet heureux pays.
Exactement comme elle tombait il y a cent ans.
Pierre STEPHANY
Post-scriptum :Merci à M. Jules Halleux qui m'a envoyé quelques photos pour compléter l'illustration de cet article et qui m'a aidé à l'identification des personnes sur les photos. Merci aussi à François Heuts et Victor Taeter qui m'ont aussi aidé à identifier quelques personnes.
[ 1] L'auteur avait confondu Joseph et Jules Franssen ; j'ai fait la rectification, comme je l'ai aussi fait pour quelques autres prénoms. J'ai aussi ajouté des photos d'A. Snoeck et J. Maes que j'ai retrouvées dans un album familial.
[ 2] Ou probablement Joseph.
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Page mise à jour le 19 mai 2011.
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